Les Paroles Rétro...

Vision d'orage,
J'voudrais pas qu'tu t'en ailles.
La passion comme une ombre,
Fallait que j'y succombe.
Tu m'enlaçais,
Dans les ruines du vieux Rome.
A part nous, y a personne.
Seul le tonnerre résonne,
M'emprisonne,
Tourbillone.

Comme un ouragan
Qui passait sur moi,
L'amour a tout emporté.
T'es restée, l'envie
Et l'accent d'furie
Qu'on ne peut plus arrêter.
Comme un ouragan,
La tempête en moi
A balayé le passé,
Allumé le vice.
C'est un incendie
Qu'on ne peut plus arrêter.

Vision d'image
D'un voyage qui s'achève
Comme une nuit sans rêve,
Une bataille sans trêve,
Cette nuit à Rome.
Ton absence me dévore
Et mon cœur bat trop fort.
Ai-je raison ou tort
De t'aimer tellement fort ?

Comme un ouragan
Qui passait sur moi,
L'amour a tout emporté.
T'es restée, l'envie
Et l'accent d'furie
Qu'on ne peut plus arrêter.
Comme un ouragan,
La tempête en moi
A balayé le passé,
Allumé le vice.
C'est un incendie
Qu'on ne peut plus arrêter.

{Instrumental}

Désir, trahir, maudire, rougir,
Désir, souffrir, mourir, pourquoi ?
On ne dit jamais ces choses là.
Un sentiment secret, d'accord,
Un sentiment qui hurle fort.

C'est en 1986 que Ouragan a connu un mémorable succès dont tout le monde se souvient encore aujourd'hui et a déferlé sur les ondes de la sono mondiale. Classée première dans presque tous les Charts européens, c'est une vraie tornade qui s'est abattue sur l'univers de la musique. Jamais encore on n'avait entendu un tel son, une telle maîtrise vocale et musicale.

Les compositeurs

C'est Marie Léonor, célèbre chanteuse qui en a écrit les paroles tandis que la musique a été composée par l'inégalable Romano Musumarra, qui a également écrit pour Jeanne Mas (Toute première fois, Johnny Johnny...), Elsa (T'en va pas...) mais aussi S. Vartan, A. Delon, Bibi Flash, Mireille Mathieu, Marc Lavoine, Garou, Ginette Reno, JL Capdevielle. Il a en outre collaboré à l'écriture de musique de films (Le Grand Pardon) ou de comédies musicales (Cindy)...

 

 

L'analyse  

Dans son poème mis en musique Ouragan, Stéphanie de Monaco, avec délicatesse et lyrisme, évoque les ravages d'une liaison sentimentale qui a bouleversé son coeur. À travers ce très beau texte de 1986, elle relate sans fausse pudeur, mais poétiquement, les affres de la passion amoureuse, à l'aide d'une métaphore météorologique filée et subtile, questionnant cet espace de la rupture, espace infini et infime qui sépare les flammes de l'amour des cendres de la solitude et du désespoir.

Ouragan est bien ce perpétuel va-et-vient d'une âme en quête de réponses entre l'hier et l'aujourd'hui, entre les souvenirs à peine esquissés d'un voyage à Rome en compagnie de l'être cher, et les tourments de l'absence, après que leur liaison a eu rompu. Dès la fin de la première stance, ce mouvement douloureux de la mémoire, à la lisière du délire, se transforme progressivement en un maelström dans lequel la voix de la chanteuse reste prisonnière ("Tourbillonne, m'emprisonne"). Au plus profond du gouffre où elle se débat alors (et l'on est ici obligé d'évoquer le poème de Baudelaire, De Profundis Clamavi), il n'y a plus de certitudes, seules subsistent deux interrogations essentielles :

Ai-je raison ou tort de t'aimer tellement fort ?

Pourquoi ne dit-on jamais ces choses-là ?


Ces deux questions fondamentales de l'amour, Stéphanie s'emploie à y répondre par touches légères, avec sensibilité et nuance, tout au long de son texte qui s'apparente à tout un pan de la littérature romantique.

En effet, Stéphanie de Monaco explore les dominantes ainsi que les thèmes chers aux Romantiques, les renouvelant avec bonheur : la peinture de l'amour évoqué au moyen de comparaisons ("comme un ouragan", "comme une ombre", "comme une bataille sans trêve", "une nuit sans rêve") ou d'une métaphore, là aussi climatique, ("la tempête en moi"), la fatalité de la passion ("il fallait que j'y succombe"), l'onirisme ("des rêves en furie"), l'idéal ("Désir"), la mort et la souffrance ("Mourir, souffrir, trahir").

Le décor semble lui aussi sortir d'un tableau du premier XIXème siècle, ce voyage en Italie, ces paysages de ruines et les réminiscences de l'antiquité propres à la méditation mélancolique ("Dans les ruines du vieux Rome"), ces climats tourmentés ("le tonnerre", "ouragan", "tempête"...) qui reflètent les sentiments du poète.

Enfin, la force et la musicalité du lyrisme emportent le lecteur, grâce à ce "je" entêtant qui représente à la fois l'individu et l'amoureux universel, "ma vie" devenant la vie de tous ceux qui aiment, ce "je" qui semble s'adresser directement au lecteur et l'implique aussitôt dans le texte grâce au pronom "tu" (1). Un lyrisme qui paraît rejoindre les voix de Vigny ou de Lamartine, pour évoquer la perte de l'être aimé, au travers du jeu sur les sonorités mélancoliques (les rimes en -onne et en -êve, ou l'accumulation de mots en -ir) et de leur lexique poétique ("coeur", "absence", "incendie"...).

Pour conclure cette modeste et incomplète introduction à l'oeuvre de la princesse Stéphanie de Monaco, oeuvre immense qui commence tout juste à être défrichée par la critique, nous voudrions rappeler le cruel destin de la Princesse Grimaldi qui ne laisse pas d'évoquer celui de Corinne, l'héroïne malheureuse de Madame de Staël. À l'instar de son alter ego romanesque, Stéphanie, couronnée princesse des poètes en 1986 avec le foudroyant succès de Ouragan, a connu une irrémédiable chute qui a défrayé la chronique au cours de ces dernières années. C'est pourquoi, je pense qu'il est bon, après avoir relu l'oeuvre qui nous a tant apporté, de se souvenir avec compassion de l'artiste maudite qui l'enfanta.

Ali Chenouillard, professeur émérite de l'université de Monaco.


(1) La critique s'est longtemps penchée sur ce mystérieux destinataire en compagnie duquel Stéphanie aurait effectué ce terrible voyage à Rome, véritable réplication du tragique séjour de Musset et de Sand, mais aujourd'hui, on a renoncé à chercher des clefs pour reconnaître ce personnage : sans doute faut-il considérer que ce "tu" incarne les nombreux amants d'une princesse vouée à l'échec amoureux.